S’acclimater aux températures élevées : chaud devant !
S’acclimater aux températures élevées : chaud devant !
La plupart des grands événements sportifs internationaux tels que les Jeux olympiques d’été, la Coupe du Monde de la FIFA et le Tour de France, soit trois événements des plus populaires en termes d’audience télévisée dans le monde, se déroulent la plupart du temps pendant les mois d’été de l’hémisphère nord et très souvent dans des conditions ambiantes chaudes. L’athlète de haut niveau doit donc continuellement s’adapter et trouver des stratégies efficaces pour performer en chaleur. Très récemment, le Comité International Olympique (CIO) a même produit une ligne directrice pour les fédérations internationales afin de récupérer un maximum de données relevées lors de compétitions importantes quant à l’impact de la chaleur sur les performances et la santé de leurs athlètes. Il nous faut ainsi comprendre les différentes modifications de notre organisme lors d’un exercice en ambiance chaude mais aussi voir s’il existe des stratégies d’acclimatation pour prévenir une contre-performance.
Comment notre corps s'adapte-t-il à la chaleur ?
Lors d’un exercice par temps chaud, le flux sanguin de la peau et le taux de transpiration augmentent pour permettre la dissipation de la chaleur vers l’environnement et limiter ainsi la dérive – bien qu’inévitable – de notre température corporelle. Ces ajustements thermorégulateurs peuvent conduire à une déshydratation lors d’un exercice prolongé. De plus, le stress thermique à lui seul nuira aux performances aérobies en cas d’hyperthermie, les performances réalisées en ambiance chaude seront donc très logiquement plus faibles qu’en ambiance thermique neutre (20°C). Selon toute logique, ce sont bien les sports d’endurance mais aussi de raquettes ou sports collectifs extérieurs qui sont largement impactés par cette chaleur. Même si l’exercice régulier dans des conditions tempérées entraîne une acclimatation partielle à la chaleur , il ne peut remplacer les bénéfices induits par des journées consécutives d’entraînement à la chaleur. Il faut alors procéder à une phase dite “d’acclimatation à la chaleur” ; celle-ci améliore le confort thermique et les performances notamment aérobies sous-maximales et maximales dans des conditions chaudes et humides. Les avantages de l’acclimatation à la chaleur sont obtenus via une augmentation de la transpiration et des réponses du flux sanguin cutané, un plus grand volume sanguin et donc une amélioration de notre système cardiovasculaire. L’acclimatation à l’exercice et à la chaleur est donc essentielle pour les athlètes préparant des compétitions dans des environnements chauds.
Comment s'acclimater à la chaleur en sport ?
Une question de durée
La plupart des adaptations (i.e. diminution de la fréquence cardiaque, de la température cutanée et rectale, augmentation du taux de transpiration et de la capacité de travail) se développent au cours de la première semaine d’acclimatation à la chaleur et plus lentement au cours des 2 semaines suivantes. De plus, les adaptations se développent plus rapidement chez les athlètes hautement entraînés (jusqu’à la moitié du temps) que chez les individus non entraînés. Les athlètes ont besoin de quelques jours pour s’acclimater mais de près de 2 semaines pour une acclimatation plus complète. De plus, une acclimatation dite “intermittente” (1 jour sur 2 pendant 3 semaines) a aussi montré des effets sur la performance aérobie et les “temps limite” à l’épuisement. Les différentes acclimatations doivent être impérativement entretenues jusqu’à la compétition car seulement 4 à 5 jours suffisent pour perdre plus de la moitié de notre acclimatation à la chaleur (i.e. diminution de notre volume sanguin).
Comment s'entraîner ?
Un entraînement répété en chambre thermique ou en condition extérieure chaude pendant 80 minutes par jour ou 2 entraînements de 45 minutes s’avère être très efficace pour abaisser sa fréquence cardiaque (FC) au bout de quelques jours à une même intensité absolue d’exercice. Il est admis que faire de l’exercice quotidiennement jusqu’ à 60 % de la FCmax dans des conditions ambiantes chaudes (36-40°C) pendant 9 à 12 jours consécutifs augmente la capacité d’exercice de plus de 40% et constitue une phase efficace d’acclimatation. En fin de compte, l’ampleur de l’adaptation dépend de l’intensité, de la durée, de la fréquence et du nombre d’expositions à la chaleur. Par exemple, certains auteurs ont rapporté des adaptations physiologiques similaires après un exercice d’intensité modérée de courte durée (30 à 35 min, 75% de FC max ) et de faible intensité de longue durée (60 min, 50% de FCmax ). Alternativement, il a récemment été proposé d’utiliser un entraînement d’intensité contrôlée basé sur la fréquence cardiaque pour tenir compte de la nécessité d’augmenter l’intensité absolue et de maintenir une intensité relative similaire tout au long du processus d’acclimatation. Enfin, les athlètes peuvent s’adapter en s’entraînant à l’extérieur dans la chaleur (c’est-à-dire s’acclimater) en faisant des exercices à leur rythme ou en maintenant leur programme d’entraînement habituel. L’efficacité de cette pratique a été démontrée auprès d’athlètes de sports collectifs sans interférer avec leur programme d’entraînement.
Quel environnement pour s'acclimater ?
L’acclimatation à la chaleur par temps sec améliore la performance réalisée sous une forte chaleur humide et vice versa. Cependant, l’acclimatation à la chaleur humide provoque des températures cutanées et des adaptations circulatoires plus élevées que la chaleur sèche, augmentant potentiellement l’humidité maximale de la peau et donc le taux maximal de perte de chaleur par évaporation. Bien que le soutien scientifique à cette pratique fasse encore défaut, il pourrait potentiellement être bénéfique pour les athlètes de s’entraîner dans une chaleur humide à la fin de leurs séances d’acclimatation à une chaleur sèche afin de solliciter davantage les systèmes cardiovasculaire et thermorégulateur. Néanmoins, malgré certains transferts entre milieux, il est recommandé que les athlètes s’acclimatent principalement à l’environnement dans lequel ils concourront. Très récemment, nous avons montré que l’entraînement en condition de chaleur peut être utilisé pour induire un stimulus et des adaptations physiologiques plus importants ; ainsi, en s’entraînant en ambiance chaude, nous augmentons nos performances sportives en ambiance neutre à 20°C. L’acclimatation a donc une double vertu : mieux tolérer la chaleur compétitive et performer en condition thermique plus fraîche.
Quelles techniques pour mieux supporter la chaleur ?
- L'immersion en eau froide (IEF) : il existe toute une série de protocoles d' IEF mais les techniques les plus courantes sont l'ICE du corps entier pendant ~30 min à une température de l'eau de 22-30°C, ou l'immersion d'un segment du corps (par exemple, les membres inférieurs) à des températures plus basses (10-18°C). Cette technique peut nécessité un ré-échauffement avant une compétition ;
- Les vestes de froid : elles peuvent faciliter la phase d'affûtage et surtout aider à atteindre de fortes charges d'entraînement pendant l'affûtage pré-compétitif. Cela permet de s'entraîner à des vitesses de compétition sans puiser dans notre organisme à cause des fortes chaleurs ;
- Boissons glacées : de la même façon, elles peuvent être associées ou non au port de la veste de froid ou à l'IEF afin de combiner un "cooling" dit "interne" et "externe". Combiner ces 2 méthodes est reconnu comme étant la méthode la plus efficace juste avant ou pendant une compétition, et ce afin de ne pas être impacté considérablement par la chaleur ambiante.
Nos connaissances actuelles sur le stress thermique proviennent principalement des domaines de la recherche militaire et professionnelle, tandis que l’apport des sciences du sport est plus récent. Sur la base de cette littérature, les athlètes devraient s’entraîner pendant au moins une semaine et idéalement deux semaines pour s’acclimater à un degré de stress thermique comparable à celui de la compétition visée. Ils doivent également veiller à faire de l’exercice dans un état d’hydratation normal et à minimiser les déficits hydriques (mesurés par les pertes de masse corporelle) en se réhydratant correctement pendant l’exercice (voir article précédent intitulé : “S’hydrater pour mieux récupérer : boire et déboires“). Ils peuvent également mettre en œuvre des contre-mesures spécifiques (par exemple, des méthodes de refroidissement) pour réduire l’accumulation de chaleur et les contraintes physiologiques pendant la compétition et l’entraînement, en particulier lorsque les conditions environnementales ne sont pas compensables. Les organisateurs d’événements et les instances dirigeantes du sport peuvent soutenir les athlètes en prévoyant des périodes de récupération supplémentaires (ou plus longues) afin d’améliorer les possibilités d’hydratation et de refroidissement pendant les compétitions en pleine chaleur, comme dans le déroulement actuel de la coupe du monde de Rugby en France.
Ce qu’il faudrait retenir
Publié le 10 octobre 2023
Par Christophe Hausswirth, expert scientifique dans les domaines du sport et de la santé.