“Homme ou femme” : Comment notre genre influencerait-il notre récupération sportive ?
“Homme ou femme” : Comment notre genre influencerait-il notre récupération sportive ?
La plupart des recherches portant sur la physiologie de l’exercice ont été menées sur des populations exclusivement masculines. Jusque dans les années 1980, on a supposé que les réponses physiologiques des femmes à l’exercice n’étaient pas réellement différentes de celles des hommes. De ce fait, les programmations d’entraînement et les recommandations portant sur des stratégies de récupération ont été généralisées aux femmes sans que l’on ait pour autant déterminé si ce transfert direct était envisageable. Depuis, de multiples études centrées sur le genre ont montré, d’une part, que certaines réponses physiologiques à l’exercice sont spécifiques de la femme et que le sexe est une variable à nécessairement contrôler pour mettre en place des protocoles de récupération robustes. Dans ce contexte, un nombre grandissant d’études s’est centré sur les effets du genre sur la récupération en sport et a permis de mieux comprendre les similitudes et les différences entre hommes et femmes dans la réponse post-exercice.
Récupérer et reconstituer au mieux nos réserves énergétiques
L’épuisement des réserves endogènes de substrats énergétiques est un facteur potentiellement limitant de la performance dans les activités de longue durée. Dans cette perspective, la fatigue engendrée par l’exercice peut être reliée à l’incapacité de la sportive à fournir suffisamment d’énergie aux muscles actifs, en raison d’un épuisement des réserves énergétiques endogènes. Les stratégies de récupération doivent donc prendre en compte les spécificités de la réponse métabolique à l’exercice chez la femme et chez l’homme pour assurer le maintien des stocks énergétiques et le support de la charge d’entraînement.
Les premières études ayant comparé la réponse métabolique chez l’homme et la femme lors d’exercices de longue durée datent des années 1970-80. L’un des constats plus récent nous démontre que sur des efforts prolongés, les femmes oxydent moins de glucides que les hommes à l’effort. Cela nous amène à dire qu’elles utilisent davantage leur métabolisme lipidique avec un moins bon rendement. Envisagées collectivement, ces données indiquent que la femme possède des stocks supérieurs de triglycérides intramusculaires et qu’elle utilise davantage ce substrat à l’exercice.
Cela pourrait être intéressant si des travaux actuels ne s’étaient pas intéressés à la récupération liée à nos réserves énergétiques. Connaître ce qui se passe à l’effort être important, mais savoir ce qui se passe dans notre organisme en récupération est essentiel.
Il a été montré que si la femme mobilise plus les acides gras que l’homme (qui, lui, utilise davantage les glucides) lors d’un exercice de longue durée, ce constat est inversé lors de la phase de récupération. Ceci pourrait expliquer pourquoi, même si la femme a davantage que son homologue masculin recours aux lipides à l’exercice, elle perd moins de masse grasse que lui lors d’un programme d’exercice physique (rem : on s’entraîne 2 à 3h par jour mais nous sommes au repos près 20-21h). Des données expérimentales révèlent en effet que l’impact du métabolisme énergétique lors d’un exercice peut se faire ressentir plusieurs heures après celui-ci ; au final, étant donné que la femme mobilise davantage que l’homme les lipides à l’exercice, que ses réserves lipidiques sont plus importantes et qu’elle économise davantage son stock de glycogène (qui, lui, est bien plus limité que celui des lipides), la femme parvient mieux que l’homme à maintenir constants ses stocks de substrats énergétiques, tant durant l’exercice que lors de la récupération. Ces particularités métaboliques impliquent une nécessaire spécification des stratégies nutritionnelles de récupération, comme les contenus en glucides qui peuvent ingérés en quantité plus faible par la femme en récupération.
Thermorégulation et cooling
Il est largement démontré que la femme a moins d’aptitude que l’homme à diminuer sa température, aussi bien au niveau œsophagien qu’au niveau des muscles activés ou non lors d’un effort préalable. Cette différence semble reliée à un seuil de vasodilatation cutanée post-exercice plus élevé et à une baisse de la pression artérielle post-exercice plus importante chez la femme que chez l’homme.
Étant donné les moindres capacités de thermolyse post-exercice des femmes, le refroidissement (cooling post-exercice) est une technique de récupération potentiellement intéressante, en particulier l’immersion en eau froide ou le port de veste réfrigérée. En effet, l’immersion en eau froide et le cooling post-exercice semblent réduire plus efficacement la température corporelle et la fréquence cardiaque. En outre, l’immersion en eau froide engendrerait un ajustement de la distribution circulatoire, qui pourrait favoriser la performance au cours de l’exercice suivant. De plus, les bénéfices du cooling post-exercice semblent particulièrement apparents lorsque cet exercice a été réalisé dans la chaleur. Rappelons qu’une forte charge thermique interne peut engendrer un déclin immédiat de la performance et ralentir la récupération d’un fonctionnement optimal. Ainsi, le degré de stress thermique induit par l’exercice ou l’incapacité à tolérer la charge imposée peut engendrer une baisse prolongée de la performance. De précédentes recherches ont montré la réduction de l’activation de force volontaire suite à un exercice épuisant à cause d’une hyperthermie du corps entier, impliquant une réduction sélective par le système nerveux central des muscles actifs suite à l’exercice. Par ailleurs, ceci souligne que le maintien d’une forte charge thermique interne peut affecter la performance lors d’un exercice subséquent. Il est envisageable de penser que la réduction du stress thermique (engendré par l’exercice) via les stratégies de récupération par post-cooling démontre des bénéfices plus importants chez les femmes étant donné leur moindre capacité à diminuer leur température interne post-exercice.
Dommages musculaires et réponse inflammatoire
Plusieurs auteurs ont étudié les douleurs musculaires, la perte de force et l’accumulation musculaire des neutrophiles (qui jouent un rôle dans le système immunitaire) chez des femmes et des hommes suite à des contractions excentriques maximales volontaires du genou. Après l’exercice traumatisant, l’évolution des douleurs musculaires et de la perte de force fut différente, les femmes présentant généralement de plus grands dommages à 20-24 h que les hommes, mais aussi une plus grande accumulation de neutrophiles que les hommes à +2 h (mais pas à +4 h), bien que ceux-ci aient accompli un plus grand travail musculaire. Ces résultats suggèrent que les femmes ont une réponse des neutrophiles plus grande que celle des hommes dans la phase précoce après l’exercice. Au regard de ces résultats, nous pouvons estimer que les femmes ont une réponse inflammatoire plus précoce que les hommes, mais uniquement en post-exercice : leur réponse est plus faible à long terme. Celle-ci serait en fait liée à une différence, entre hommes et femmes, concernant la perméabilité membranaire après un exercice traumatisant. Dans cette perspective, les techniques de récupération employant le froid (immersion en eau froide, cryothérapie corps entier, vestes de froid, etc.) pour réduire la réponse inflammatoire post-exercice présenteraient un intérêt tout particulier chez la femme sportive.
Étant donné les effets du genre sur la réponse physiologique à l’exercice et lors de la période post-exercice, il apparaît essentiel de différencier les stratégies de récupération en fonction du sexe, de sorte à favoriser les processus de régénération des systèmes physiologiques et de surcompensation tout en diminuant les risques de blessure chez la femme sportive. Les athlètes et leur encadrement acceptant aujourd’hui davantage d’investir du temps et des moyens financiers pour optimiser la récupération, nous nous devons notamment de mieux comprendre les bénéfices possibles de nouvelles techniques de récupération chez la femme sportive en comparaison avec nos connaissances chez l’homme.
Ce qu’il faudrait retenir
Publié le 5 août 2024
Par Christophe Hausswirth, expert scientifique dans les domaines du sport et de la santé.