Plongeons-nous dans le bain froid ! (Partie 2)
Plongeons-nous dans le bain froid ! (Partie 2)
La simple idée de s’immerger dans de l’eau froide a toujours fait frissonner les personnes ou les athlètes ; rien que d’y penser fait froid dans le dos. Les populations scandinaves, notamment les « Winter Swimmers », utilisent ces procédés de nage en eau glacée depuis plus de 40 ans. Les données actuelles, recueillies sur des populations assez âgées, ont intéressé le monde du sport de haut niveau principalement pour booster nos antioxydants naturellement. Qui plus est, de façon plus contemporaine, si nous avons vu précédemment que ces bains de froid avaient un impact sur les douleurs musculaires, nous allons aborder ce mois-ci les relations entre l’immersion en eau froide réalisée après ou entre des exercices à haute intensité.
L’immersion en eau froide : un intérêt mitigé après des efforts intenses ?
Les effets de la récupération par immersion en eau froide consécutive à des exercices de haute intensité représentent la part la plus importante des travaux scientifiques sur cette thématique. Les exercices réalisés sont soit des exercices supra-maximaux type « all-out », soit des temps limite à l’épuisement type « contre-la-montre ».
Le principal facteur limitant la reproduction d’une performance après un exercice de type « all-out » est, pour une très large part, lié à la fatigue métabolique. Tous les déchets métaboliques sont connus pour venir contrarier l’efficacité de la contraction musculaire. Il est admis actuellement que lorsque le temps entre deux épreuves de type « all-out » est supérieur à 15 min, la récupération par immersion n’apporte aucun effet positif. Pire, la majorité des études qui ont utilisé le CWI en récupération observent même un effet négatif comparativement aux autres techniques de récupération. Cet effet serait principalement dû à une altération de la transmission nerveuse du fait de la diminution de la température. En revanche, lorsque le temps entre deux exercices est très court (< 2 min) et/ou que la technique d’immersion est plutôt tempérée (min 14 °C), les résultats s’avèrent positifs comparativement à une récupération passive. Ajoutées à cela, certaines études se sont intéressées à l’impact du CWI sur le système nerveux autonome (SNA) à travers la variabilité de la fréquence cardiaque à l’issue d’exercices de type « all-out ». Très récemment, des travaux ont permis de mettre en avant l’intérêt de l’immersion en eau froide dans l’accélération de la réactivation du système nerveux parasympathique. L’augmentation de la variabilité cardiaque est un facteur de récupération très recherché chez les sportifs, permettant d’éviter des états de surmenage entre autres. Cette étude montre que 5 min à 14 °C, face immergée dans l’eau avec tuba et sans lunettes, permet cette réactivation si recherchée. De façon plus anecdotique, ce sont des données qui nous ont permis de faciliter le sommeil chez les athlètes de haut niveau, sans malgré tout impacter la performance entre deux épreuves rapprochées.
L’immersion en eau froide : un atout pour un « contre-la-montre » ?
Les exercices de type « contre-la-montre » rencontrés et décrits dans la plupart des études évaluant la récupération en immersion en eau froide diffèrent des exercices « all-out » par leurs durées (plus longues) et intensités (plus faibles). Ces différences conduisent à des adaptations mécaniques et physiologiques particulières, notamment en ce qui concerne la fatigue. En effet, les principaux facteurs limitants lors d’un « contre-la-montre » ou d’enchaînement d’épreuves de ce type sont la gestion des contraintes mécaniques, des perturbations énergétiques et métaboliques ou encore le stress oxydatif lié à l’effort : tout concourt alors à l’apparition de dommages musculaires perceptibles sous la forme de courbatures. Contrairement à ce qui est observé dans les travaux sur les « all-out », le CWI effectué après des exercices de type « contre-la-montre » met en évidence des performances sportives améliorées. L’étude princeps du domaine a pu démontrer notamment un maintien de la performance sur 18 min de vélo réalisé deux jours de suite lorsque la récupération était réalisée par CWI, alors que la situation passive ou de récupération active démontra une baisse de la performance le second jour. De la même façon, une étude australienne a mis en évidence qu’une performance de sprints répétés (66 sprints sur 105 min) peut être reproduite quotidiennement pendant 5 jours si chaque séance est suivie d’une immersion en eau froide. En revanche, la performance chute si les techniques de récupération sont l’immersion en eau chaude ou une situation passive. Ainsi, la récupération en eau froide démontre un intérêt majeur, voire prioritaire, notamment lorsque deux épreuves exhaustives s’enchaîneront en 24 heures, et que la réitération d’une performance est envisagée.
L’immersion en eau froide : un placebo qui fait frissonner ?
S’il est clairement démontré que le CWI apporte des bénéfices évidents en récupération sportive reliée à des dommages musculaires et aux perturbations énergétiques, reste à savoir qu’un effet placebo peut exister dans ce domaine de récupération. Des auteurs et collègues australiens ont mis en place une période de 15 minutes d’immersion en eau froide (~ 10,3 °C), une immersion en eau thermo-neutre (~34,7 °C) (condition contrôle) ou la même immersion thermo-neutre avec l’ajout d’une « huile de récupération », après un exercice de cyclisme intense. Les participants ont également reçu de fausses informations, indiquant que l’ajout de cette « huile de récupération » (nommé « bain magique ») serait bénéfique pour faciliter leur récupération. La force était la seule variable de performance mesurée et les chercheurs n’ont signalé aucune différence dans les résultats de force à aucun moment entre la condition d’immersion en eau froide et la condition placebo. Les auteurs ont conclu que la condition placebo était tout aussi efficace que le CWI ; ceci ne peut être déclaré comme étant une généralité, bien évidemment, mais laisse entrevoir que la motivation extrinsèque donnée par notre entourage notamment peut être d’une importance capitale non seulement pour réaliser une performance, mais également pour adhérer à une méthode de récupération.
Ainsi, l’immersion en eau froide a traversé les siècles et les différentes populations, depuis des populations âgées jusqu’aux athlètes haut niveau. Son intérêt est clairement démontré et les phénomènes physiologiques identifiés. Considérant à quel point l’esprit peut influencer également la récupération d’un individu, parler à un athlète de ses habitudes et/ou de ses croyances sera toujours légitime et un moyen de se nourrir mutuellement, tant de l’expérience de l’un que de la pratique de l’autre !
Ce qu’il faudrait retenir
Publié le 27 janvier 2023
Par Christophe Hausswirth, expert scientifique dans les domaines du sport et de la santé.