Plongeons-nous dans le bain froid ! (Partie 1)
Plongeons-nous dans le bain froid ! (Partie 1)
Bien que la thérapie par l’eau froide ait été largement pratiquée dans les civilisations anciennes, elle est devenue moins populaire avec l’émergence de la médecine moderne. Cependant, elle a connu un renouveau ces dernières années grâce à Wim Hof, un célèbre athlète néerlandais aux 21 records du monde Guinness. Récemment, sa mystérieuse méthode de respiration et d’immersion dans le froid a fait face à l’examen minutieux de la science traditionnelle avec des résultats remarquables. Face à l’injection d’agents pathogènes dans son organisme, il a en effet réussi à développer des pouvoirs de guérison naturels du corps grâce à la respiration et à l’immersion en eau froide. Il est alors bien établi que notre organisme puisse récupérer par les bains de froid !
L’immersion en eau froide : le gold standard
L’immersion en eau froide (CWI, Cold Water Immersion) après un exercice physique, un entraînement, une compétition ou un match est une modalité de récupération désormais populaire visant à minimiser la fatigue et à accélérer la récupération après l’effort. À cet égard, le CWI s’est avéré bénéfique pour accélérer la récupération post-exercice de divers paramètres, notamment la force musculaire, les douleurs musculaires, l’inflammation, les lésions musculaires et la perception de la fatigue. On pense qu’une récupération améliorée après une séance d’exercice facilitée par le CWI améliore la qualité et la charge d’entraînement des séances d’entraînement suivantes, fournissant ainsi un plus grand stimulus d’entraînement pour les adaptations physiologiques à long terme. L’immersion en eau froide a toujours été signalée comme un choix populaire pour la récupération chez les athlètes professionnels. L’efficacité de CWI pour la récupération post-exercice a malgré tout déjà été considérée comme équivoque, probablement en raison de l’incohérence des protocoles d’immersion, avec différentes températures, différentes durées, différentes profondeurs et même le temps appliqué après l’exercice. Les synthèses actuelles suggèrent qu’un protocole de 10 à 15 °C pendant 10 à 15 min peut favoriser efficacement la récupération et diminuer les douleurs musculaires. Plus récemment, une étude actualisée suggère désormais qu’une dose de 1,1 (ex. : 11 min à 10 °C) est nécessaire pour réduire de manière significative la température des tissus musculaires, un mécanisme physiologique clé par lequel le CWI est censé influencer la récupération de plusieurs manières. Il convient de noter que le CWI n’est pas simplement efficace par une réduction de la température des tissus musculaires, mais est un résultat combiné d’une perception réduite de la douleur via une diminution de la vitesse de conduction nerveuse, parallèlement aux changements induits par la température et la pression du flux sanguin. C’est cette action physiologique qui semble avoir un impact sur nos courbatures entre autres.
L’immersion en eau froide : ennemie de nos douleurs musculaires ?
Depuis 2010, le nombre d’articles scientifiques ayant pour cible les effets de l’immersion en eau froide a considérablement augmenté. La méthode consiste la plupart du temps à induire des dommages musculaires (DOMS) au préalable afin d’établir différents temps de recouvrement de l’état de récupération du sportif. Les contractions musculaires sont ainsi répétées, souvent excentriques, auxquelles on applique des méthodes de récupération. Le postulat avancé est que mieux récupérer avec un niveau de courbatures plus faible serait susceptible de préserver le muscle afin qu’il puisse reproduire un effort maximal plus rapidement et plus souvent. Il est assez bien décrit désormais dans la littérature les effets bénéfiques de l’immersion en eau froide sur la récupération musculaire, notamment à 24 et 48 h post-effort. Le simple marqueur biologique CK-MM permet de montrer que son élévation est 100 fois moins importante — après une immersion en eau froide — le lendemain d’un exercice traumatisant et comparée à une situation de récupération passive. Néanmoins, ce qui doit nous intéresser en priorité ce sont les données issues du terrain et pas seulement du laboratoire, quelquefois en marge de notre réalité pratique. Ces études constituent désormais plus d’un tiers des études relatives au CWI. Comparer le score final de deux matchs de football espacés de 24 h ne permet en rien d’affirmer que les joueurs ont mieux ou moins bien récupéré. En revanche, mesurer la distance parcourue sur le terrain, des temps ou hauteurs de saut lors de tests standardisés, des concentrations sanguines ou encore une perception de la récupération permettront de renseigner sur l’effet de la récupération et donc de l’efficacité de CWI. En sports collectifs par exemple, toutes les études sont unanimes quant aux effets bénéfiques de l’immersion en eau froide au cours d’un tournoi ou entre deux matchs. Les distances parcourues sont améliorées et les vitesses maximales atteintes sont plus importantes lorsque les récupérations post-match ont lieu dans les bains froids.
L’intensité du froid et la profondeur d’immersion : une attention particulière
Pour récupérer convenablement et avec efficacité, plusieurs études mettent en garde les praticiens sur l’aspect nocif possible de l’intensité du froid. Il est ainsi démontré que l’application de températures d’eau inférieures à 8 °C peut entraîner des réductions moins prononcées de la perfusion musculaire par rapport à une immersion en eau moins froide (15 °C). Bien que cela puisse sembler paradoxal à première vue, cela peut être attribué à une augmentation de la perfusion musculaire dans les tissus plus profonds liés à l’immersion en eau plus froide. Dans ce contexte, il est essentiel de bien respecter les températures des bains, par opposition à certains praticiens qui sélectionnent principalement des températures plus froides (< 5 °C) sur des durées plus courtes (2,5 à 5 min) (Enquête Allan et al. 2022). À ce jour, seuls 14 % des répondants à cette enquête ont sélectionné une durée d’immersion dans la fourchette suggérée de 10 à 15 min. Plus d’un tiers propose des durées ne dépassant pas les 5 minutes, ce qui est un argument en faveur d’un manque d’effet relevé quelquefois sur le terrain. Comme nous pensons que les mécanismes d’action de CWI dérivent en quelque sorte d’une réduction de la température des tissus, il est judicieux de suggérer que la température de l’eau devrait être adéquate pour réduire la température des tissus dans un laps de temps ne dépassant pas la durée de l’immersion, soulignant ainsi la nécessité de reconnaître qu’une durée d’immersion appropriée peut être tout aussi importante que la température de l’eau elle-même. Concernant la profondeur de l’immersion, et donc la pression hydrostatique, notons que très peu d’études se sont intéressées aux différents bénéfices potentiels. Cependant, il a pu être observé récemment qu’une immersion en eau froide en position assise avait davantage d’effets bénéfiques sur les douleurs musculaires en comparaison avec une position statique debout. Ajoutée à cela, une étude très récente vient de s’intéresser à la profondeur d’immersion dans une même posture debout, mais avec soit une immersion jusqu’à la tête (face immergée avec tuba) ou jusqu’à la crête iliaque. Chez ces coureurs de trail, aucune différence des paramètres liés aux dommages musculaires n’a été observée entre les deux situations, mais de véritables modifications liées au sommeil ont été notées. Les résultats ont montré que le CWI du corps entier induisait une réduction significative des mouvements nocturnes en comparaison avec une situation contrôle. En revanche, aucune modification parasympathique n’a été retrouvée, sans doute due au stress d’être plongé entièrement dans une eau froide.
Désormais, donner accès aux techniques de récupération par l’immersion en eau froide est au centre des préoccupations. Admise comme la méthode de récupération la plus employée dans le monde du sport, elle touche de plus en plus de sportifs, qu’ils soient considérés comme occasionnels ou professionnels. La proposer au plus grand nombre peut permettre sans aucun doute une bonne assimilation des différentes charges d’entraînement. Nous aborderons le mois prochain l’impact de l’immersion sur la performance sportive en général et nous décrirons les débats actuels sur certaines contre-indications liées à sa répétition.
Ce qu’il faudrait retenir
Publié le 27 janvier 2023
Par Christophe Hausswirth, expert scientifique dans les domaines du sport et de la santé.